IRM 7 Tesla et épilepsie

Les explications du Dr Julien Jung, neurologue, et du Pr Claire Haegelen, neurochirurgienne – Hôpital Pierre Wertheimer

« En France, on estime qu’il y a entre 600 000 et 800 000 personnes suivies pour de l’épilepsie, tous âges confondus. Aujourd’hui, le traitement de cette pathologie repose sur des médicaments, mais malgré toutes les avancées pharmacologiques, environ 30% des patients présentent des épilepsies compliquées, rebelles aux traitements. A l’hôpital neurologique, nous prenons en charge ces patients, qui font beaucoup de crises d’épilepsie. Ces crises peuvent avoir des conséquences traumatiques, parfois dramatiques ; elles peuvent nécessiter une hospitalisation en soins continus ou en réanimation, elles exposent même les patients à un risque de mort subite.

C’est une maladie très handicapante si on considère également toutes les conséquences non visibles de la maladie, en termes d’insertion socioprofessionnelle, de parcours professionnel, de restriction pour la conduite ; et pour les enfants, quand l’épilepsie est très active, il y a fréquemment des conséquences sur la scolarité et l’insertion, du fait des troubles cognitifs qui sont associés (troubles de la mémoire, troubles attentionnels…), voire des troubles psychiatriques en lien avec l’épilepsie. C’est donc une maladie très invalidante dans cette forme « rebelle », qui est relativement fréquente.

La seule façon de guérir définitivement les patients quand les traitements ne fonctionnent pas, c’est l’ablation chirurgicale des foyers d’épilepsie. On fait alors un bilan complet pour rechercher des lésions : en premier lieu, on enregistre les crises, en milieu hospitalier, avec un enregistrement vidéo et un électro-encéphalogramme. On fait aussi des examens d’imagerie : une IRM cérébrale, en général un PET scan, et d’autres examens plus spécialisés au besoin. Le nœud-clé de ce bilan, c’est l’IRM cérébrale, car si on met en évidence une anomalie structurelle sur l’imagerie, on a beaucoup plus de chances de localiser le foyer à l’origine des crises, et donc de proposer un geste chirurgical qui pourra être curatif. C’est un facteur pronostic majeur pour les patients.

A contrario, lorsqu’on n’arrive pas à identifier une lésion, on récuse certains patients pour une chirurgie, car on sait que le pronostic est beaucoup plus compliqué.

Or, dans l’épilepsie, les lésions peuvent être assez difficiles à identifier ; toutes les toutes les causes « d’irritation » corticale – et elles sont multiples – peuvent provoquer de l’épilepsie. On peut avoir à faire à de toutes petites malformations du cerveau, difficiles à identifier parce que leur contraste avec le cerveau « normal » est très subtil.

Parfois aussi, on peut deviner la présence d’une lésion, mais sans connaître réellement son étendue parce qu’on n’en voit pas distinctement les limites. Dans ce cas, pour essayer de préciser la localisation et l’étendue avant d’envisager une chirurgie, on passe par une étape supplémentaire : on va poser des électrodes intracérébrales aux patients pendant une ou 2 semaines, pendant lesquelles le patient va rester à l’hôpital, pour enregistrer les crises et essayer de repérer leur origine. L’objectif est de délimiter la zone à retirer chirurgicalement. C’est un premier geste invasif, et comme on ne peut pas placer un nombre infini d’électrodes dans le cerveau (15 au maximum), on fait une sorte de « pari » sur la localisation de la lésion responsable des crises.

Avec l’IRM 7 Tesla, qui permettra d’avoir des images de bien meilleure qualité en termes de résolution spatiale et de contraste entre les lésions et le cerveau normal, on pourra faire une recherche de lésions plus poussée. On pourra sans doute parfois éviter l’étape intermédiaire de pose des électrodes. Et si cette étape reste nécessaire, l’IRM 7T pourra nous aider à poser les électrodes dans les bonnes cibles, et nous donner ainsi plus de chances d’identifier la zone responsable des crises, de la localiser précisément.

Il y a vraiment un enjeu majeur à identifier plus facilement des lésions causales de l’épilepsie, pour pouvoir proposer la chirurgie à plus de patients, et avoir des taux de succès qui soient meilleurs, puisqu’aujourd’hui, seuls 60 à 70% des patients environ sont très notoirement améliorés, à moyen terme, par une chirurgie de l’épilepsie. Avec l’IRM 7T, on aura un véritable gain diagnostic face à une forte suspicion d’anomalie, que l’IRM 3 Tesla n’aura pas permis de mettre en évidence, et on aura également de meilleurs résultats chirurgicaux.

L’IRM 7 Tesla permettra également d’ouvrir la voie à de nouveaux projets de recherche, dont on espère des avancées dans l’épilepsie.

On sait que le très haut champ magnétique de la machine permettra de faire ce qu’on appelle une « imagerie métabolique », c’est-à-dire de voir des aspects du fonctionnement cérébral. On pourra par exemple mesurer la concentration du sodium au niveau cérébral, afin de repérer des altérations des flux de sodium, qui pourraient être un marqueur dans les foyers épileptiques.

Cela nous permettrait d’avoir un autre reflet de l’épilepsie. C’est intéressant parce que c’est une pathologie qui est multifactorielle et multi-vues. On peut observer le cerveau à travers différents angles, et la 7T permettra d’aborder le dysfonctionnement épileptique à travers des angles qu’on ne voit pas avec les IRM 3T. C’est très prometteur.

Une autre piste de recherche sur laquelle nous pourrons mener des travaux : la détection de foyers épileptiques par des approches d’intelligence artificielle (IA).

L’IA pourrait permettre d’identifier, sur l’imagerie, des anomalies cérébrales potentielles, au-delà de ce que permet la lecture conventionnelle « par les yeux du radiologue ». On pourrait constituer des images 7T de sujets témoins pour avoir une représentation du cerveau normal. Ensuite, l’IA pourrait nous aider à détecter des anomalies sur une imagerie 7T des patients, et à prédire les résultats de la chirurgie de l’épilepsie. Si l’IA, couplée à l’imagerie 7 Tesla, permet de mettre en évidence des foyers très étendus ou des lésions multiples, ce sera un marqueur pronostic défavorable puisque le patient aura moins de chances d’être guéri par la chirurgie. C’est évidemment important pour nous de ne pas emmener un patient vers un projet chirurgical s’il n’a aucune chance d’être guéri. Donc nous aimerions mener ces travaux de recherche pour essayer de prédire si un patient tirera un réel bénéfice d’une intervention chirurgicale. »

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