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Accueil » Notre-action » Recherche-et-innovation » Informations-sur-les-maladies-et-la-recherche-medicale » Phagothérapie : Des virus pour nous sauver
Qu’est-ce que la phagothérapie ? Sa définition pourrait se résumer en quelques mots : l’utilisation de virus pour combattre les bactéries. Face à l’augmentation alarmante des résistances aux antibiotiques, la thérapie phagique pourrait être une arme efficace contre ces ennemis redoutables. Cette approche thérapeutique, bien que connue depuis plus d’un siècle, connaît un regain d’intérêt en raison de son potentiel prometteur. Mais comment fonctionne-t-elle ? Où en est la recherche ? Et peut-on trouver des traitements par phagothérapie en France ? On fait le point ensemble.
Le terme « phagothérapie » trouve ses racines dans le grec ancien, combinant « phagein » (manger) et « therapeia » (traitement). Cette appellation évocatrice décrit parfaitement l’essence de cette approche thérapeutique : l’utilisation de virus « mangeurs » de bactéries pour traiter les infections bactériennes.
L’histoire de la phagothérapie remonte au début du 20e siècle. En 1917, le microbiologiste franco-canadien Félix d’Hérelle découvre officiellement les bactériophages et leur potentiel thérapeutique. Cette découverte suscite un vif intérêt dans la communauté médicale, conduisant à des essais cliniques prometteurs et à l’utilisation de phages pour traiter diverses infections bactériennes.
Cependant, l’enthousiasme initial s’estompe rapidement avec l’avènement des antibiotiques dans les années 1940. Ces nouveaux médicaments, plus faciles à produire et à standardiser, relèguent la phagothérapie au second plan, particulièrement en Occident. Aujourd’hui, les chercheurs et cliniciens redécouvrent son potentiel pour traiter certaines infections.
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La phagothérapie repose sur l’utilisation de bactériophages, ou phages, des virus naturellement présents dans notre environnement.
Les bactériophages sont des virus spécialisés qui ciblent exclusivement les bactéries. Contrairement aux virus pathogènes pour l’homme, les phages sont inoffensifs pour les cellules humaines et animales.
Le phage s’attache à la surface de la bactérie cible et y injecte son matériel génétique. Il détourne ensuite la machinerie cellulaire de la bactérie pour se reproduire rapidement. Ce processus culmine avec la lyse (éclatement) de la bactérie, libérant une nouvelle génération de phages.
Ces nouveaux phages continuent l’attaque, créant un cycle d’élimination bactérienne qui s’amplifie tant que des bactéries cibles sont présentes, puis s’arrête naturellement une fois l’infection maîtrisée.
La phagothérapie offre une approche novatrice dans le traitement des infections bactériennes, avec des avantages significatifs par rapport aux antibiotiques conventionnels.
Chaque type de phage est hautement spécifique, ne s’attaquant qu’à une espèce ou même une souche bactérienne particulière. Cette caractéristique permet une action ciblée sur les bactéries pathogènes sans perturber la flore bactérienne bénéfique de l’organisme.
Avec l’augmentation alarmante des bactéries résistantes, les options de traitement se réduisent. Les phages offrent une alternative pour traiter des infections complexes et résistantes, ouvrant la voie à de nouvelles possibilités thérapeutiques dans la lutte contre les infections bactériennes.
Malgré ses promesses, la phagothérapie fait face à des défis significatifs, qui freinent son adoption à grande échelle dans la pratique médicale courante.
Chaque infection nécessite l’identification précise de la bactérie responsable et la sélection de phages spécifiques, un processus complexe et chronophage. Cette approche complique la standardisation des traitements et peut retarder leur mise en œuvre, particulièrement dans les cas urgents.
De plus, maintenir une banque diversifiée de phages pour couvrir un large éventail de pathogènes est logistiquement complexe.
En l’absence d’essais cliniques en France, les risques et dosages efficaces de la phagothérapie restent méconnus. Son utilisation est donc limitée aux cas exceptionnels, en dernier recours.
Des bactériophages sont produits en Géorgie, mais leur importation en France est limitée par les normes européennes de fabrication. La production et la purification doivent respecter les normes européennes de fabrication, nécessitant un financement conséquent.
L’utilisation thérapeutique des phages en Europe occidentale doit se conformer aux directives strictes de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) pour garantir la sécurité de fabrication et la tolérance du traitement. Actuellement, aucun phage n’a reçu d’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Des essais cliniques sont indispensables pour démontrer scientifiquement l’efficacité de la phagothérapie et ouvrir la voie à une utilisation plus large.
La phagothérapie offre de nouvelles perspectives dans la lutte contre les infections.
Approfondir nos connaissances sur les mécanismes de la phagothérapie améliorera son application et sa sûreté dans les traitements médicaux. En France, une seule étude a été menée, chez des patients brûlés.
Le CRIOAc Lyon a traité quelques cas d’infections ostéo-articulaires complexes, publiés comme cas cliniques. Ces traitements, principalement pour des infections sur prothèses dues à des bactéries multirésistantes (staphylocoque doré et Pseudomonas aeruginosa), ont été administrés en complément de la chirurgie et des antibiotiques, sous supervision de l’ANSM.
Le potentiel de la phagothérapie dans le traitement des infections est vaste. Comme nous l’avons évoqué, elle pourrait offrir une alternative viable pour les infections multirésistantes.
Mais son utilisation pourrait également s’étendre à la prévention des infections nosocomiales, à l’industrie alimentaire pour éliminer certaines bactéries des aliments frais, voire au traitement de la grippe ou du COVID-19.
La combinaison de la phagothérapie avec d’autres traitements, comme les antibiotiques, ouvre également des perspectives prometteuses pour des approches thérapeutiques synergiques et plus efficaces.
Le CRIOAc Lyon, soutenu par la Fondation HCL, s’engage à développer la phagothérapie. Ce projet ambitieux, nommé PHAGEinLYON, vise à créer une banque académique de bactériophages ciblant les principales bactéries responsables d’infections ostéo-articulaires. L’objectif final est de mener des essais thérapeutiques.
La phagothérapie émerge comme une solution prometteuse face à l’antibiorésistance croissante. Bien que confrontée à des défis réglementaires et de production, elle offre une approche ciblée et potentiellement plus sûre que les antibiotiques classiques. Son développement pourrait révolutionner le traitement des infections, ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques. Cependant, des recherches approfondies et une adaptation des cadres réglementaires restent nécessaires pour son adoption généralisée.
Cet article reflète les connaissances disponibles à sa date de rédaction. Compte tenu de l’évolution constante des connaissances scientifiques, certains éléments abordés pourraient ne plus être entièrement actuels ou complets au moment de votre consultation.
Sources :