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Pendant longtemps, le diagnostic ferme de la maladie d’Alzheimer n’a pu être posé qu’après le décès des patients, grâce à l’observation au microscope du cerveau des défunts. Ces dernières années, on a vu apparaître de nouvelles méthodes permettant le diagnostic in vivo (i.e. du vivant des patients), de moins en moins invasives, et aujourd’hui, il est techniquement possible de repérer dans le plasma sanguin, autrement dit sur une simple prise de sang, les protéines anormales évocatrices de lésions dans le cerveau.
Pourtant, les lésions neuropathologiques dans le cerveau des malades d’Alzheimer n’expliquent pas, à elles seules, tous les symptômes. Tandis que certains patients qui ont des lésions importantes ne présentent pas, ou peu de symptômes, d’autres, à l’inverse, ont des symptômes (perte de mémoire, perte d’autonomie…) alors qu’ils ont très peu de lésions.
Convaincue que d’autres facteurs « en dehors du cerveau » peuvent expliquer les déficits cognitifs qui entrainent le déclin fonctionnel et la perte d’autonomie chez les personnes atteintes d’Alzheimer, l’équipe du Dr Antoine Garnier-Crussard, gériatre à l’hôpital des Charpennes – HCL, s’intéresse à un facteur particulier, défini en médecine gériatrique comme le « frailty syndrome ». Ce syndrome de la fragilité désigne un état de vulnérabilité accrue en cas de stress (au sens médical du terme, c’est-à-dire une agression brutale, tels un traumatisme, un choc émotionnel, une intervention chirurgicale, le froid etc.)
Les explications du Dr Garnier-Crussard :
« Une personne fragile, au sens médical, c’est quelqu’un qui va assez bien en général, mais qui face à un stress (par exemple une grippe) va décompenser ; c’est-à-dire que son organisme va s’affaiblir brutalement. L’état de fragilité peut alors entraîner de nombreuses complications (de la confusion, des chutes…), et nécessiter une hospitalisation.
Or cette vulnérabilité au stress peut être mesurée, avec des outils d’évaluation validés, et surtout, elle est potentiellement réversible. C’est très important parce qu’aujourd’hui, on n’a pas de médicaments qui permettent de traiter les lésions dans le cerveau. En revanche, on sait prendre en charge la vulnérabilité et la traiter. Ainsi, si on parvient à repérer les patients présentant cette vulnérabilité en amont de la dépendance, on pourra leur proposer une prise en charge qui leur permettra de retrouver une robustesse, d’être moins fragiles en cas de stress. A contrario, si on ne s’intéresse pas à la fragilité, lorsque nous disposerons de thérapeutiques pour traiter les lésions du cerveau, les patients pourraient continuer malgré tout à perdre leur autonomie. Je suis convaincu que c’est grâce à une approche de la personne dans sa globalité que nous arriverons à diminuer la perte d’autonomie et les complications de la maladie d’Alzheimer. »
L’étude AlFraiD (pour Alzheimer, frailty and disability), portée par le Dr Garnier-Crussard, vise donc à mieux comprendre les relations entre les lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer et la fragilité liée au vieillissement, à mieux identifier les facteurs de prédiction du déclin cognitif (pertes de mémoire notamment) et fonctionnel, et à comprendre comment leurs interactions pourraient accélérer la perte d’autonomie des patients.
Les résultats de l’étude pourraient ainsi permettre d’affiner la prise en charge des patients, en intégrant des interventions ciblant les paramètres de fragilité associés au déclin cognitif, en addition des thérapies ciblées contre les lésions spécifiques de la Maladie d’Alzheimer.
L’étude sera menée sur les données recueillies chez un peu plus de 200 patients suivis en soins courants au Centre Mémoire Ressources Recherche des HCL (hôpital des Charpennes) pour une plainte cognitive. Les analyses porteront sur les évaluations médicales spécifiques de la fragilité et des « capacités intrinsèques » des patients (capacités physiques, psychologiques, nutritionnelles, sensorielles… mesurées par différents outils et échelles validés), et pour la première fois sur la présence, dans le plasma sanguin, des marqueurs de la maladie d’Alzheimer (protéines tau, amyloïdes, neurofilaments et GFAP).
>> Pour aller + loin : écoutez l’intervention du Dr Garnier-Crussard sur la maladie d’Alzheimer et l’étude Alfraid dans le cadre de la Chronique Santé de RCF.
Dr Antoine Garnier-Crussard, Médecin gériatre à l’Hôpital des Charpennes
La maladie d’Alzheimer, ce n’est pas qu’un cerveau malade !
Témoignage du Dr Antoine Garnier-Crussard, Médecin gériatre à l’Hôpital des Charpennes :
« La maladie d’Alzheimer est une maladie complexe et multifactorielle. Il s’agit d’une maladie du cerveau et des neurones, liée à l’accumulation et au dysfonctionnement de protéines devenues anormales. Pourtant, on ne peut limiter la maladie à un « cerveau malade », car des paramètres systémiques, comme le statut nutritionnel, les capacités physiques, le moral, les capacités sensorielles, ou encore la fragilité générale des individus, peuvent modifier l’expression de la maladie, les symptômes et les complications, notamment chez les patients plus âgés. L’étude Alfraid cherchera à mieux comprendre les relations entre « ce qui se passe dans le cerveau » (les protéines anormales), et « la santé en général et la fragilité » (les capacités nutritionnelles, physiques, sensorielles…) pouvant expliquer la perte d’autonomie chez les patients. C’est possiblement grâce une approche de l’individu dans sa globalité, comprenant évidemment la lutte contre les lésions cérébrales, mais aussi contre les facteurs de fragilité, que nous arriverons à diminuer la perte d’autonomie et les complications de la maladie. »
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